la tension olfactive
Au fil de mes recherches, j’aborde le champ de l’art à travers un outil plastique peu usité qui présente l’avantage de contours flous puisque volatils : l’odeur.
Fortement sensoriels, mes travaux interrogent à travers ce filtre perceptif, notre rapport au monde. Ils sont une invitation à redécouvrir les multiples facettes de notre construction identitaire.
Dans cette mise en perspective olfactive, qui de l’anecdote quotidienne vise le phénomène sociologique, je cherche à souligner nos ambiguïtés, à nous comprendre. Néanmoins, et avec une touche d’humour, mon travail bute sur l’impossibilité de cette quête. Il se perd dans la trace d’une odeur qui est toujours celle d’un moment passé ou d’un corps absent.
D’œuvre en œuvre, je produis ce que nous pourrions définir comme des représentations narratives : mes chroniques olfactives.
Les odeurs se forgent tout au long de nos expériences singulières. Elles échappent à un enseignement commun qui ferait office de figure d’autorité. Comment, dès lors, écrire un récit à partir d’un langage olfactif indéterminé ou plutôt trop déterminé personnellement? Les autres médiums apparaissent plus consensuels et rendent plus possible un recentrage du propos mais la dimension olfactive reste source de discordes. Les odeurs, préconstruites par l’un, ne tombent que rarement justes pour l’Autre. Elles soulignent la distance historique qui s’instaure petit à petit entre nous et contredit toutes tendances universalistes. En s’opposant à la concrétisation de mythes collectifs, les odeurs ne nous enferment-elles pas alors dans nos mythologies personnelles?
Etre singulier n’induit pas d’être isolé. Au hasard des rencontres, nous nous retrouvons à faire front commun. Il semble que nous soyons irrésistiblement affectés par la fracture ‘olfactivement’ ouverte et là où, nous pensions la désociabilisation effective, nous constatons un mouvement inverse. Nous tendons à réajuster nos positions personnelles au regard de celle des autres.
Etonnement, cette (ré)vision n’a pas à être imposée: devant les odeurs, les langues se délient inconsciemment. Même si ces échanges aboutissent parfois à souligner de nouveau nos divergences, ne sont-ils pas néanmoins des points d’inflexion de la trajectoire de l’un vers l’autre?
Les odeurs ancrent donc la pratique artistique dans une approche fortement engagée socialement et dessinent les contours d’un 'ici, maintenant et ensemble'.
En fin de compte, mon approche est, tout comme l’odeur, celle de l’infiltration de l'histoire d'un Autre dans l'Autre.